Là où les réponses murmurent

Il y a des moments dans la vie où tout semble suspendu. On porte des questions pendant des années, parfois sans même s'en rendre compte. Elles s'installent dans les replis de nos pensées, dans le creux de nos silences, dans ces espaces flous entre ce qu'on sait et ce qu'on ressent. Et puis, un jour, sans fracas ni fanfare, certaines trouvent enfin leur réponse.
Des boucles se referment. Des chapitres s'achèvent. Pas parce qu'on les force, mais parce qu'ils sont prêts.

Depuis au moins deux ans, je ressens cela avec une intensité nouvelle. Comme un apaisement discret mais puissant.
Comme si, peu à peu, les pièces du puzzle se mettaient enfin en place, révélant non pas un dessin parfait, mais une image que je peux enfin saisir et faire mienne.

Reprendre la main sur sa santé

Pendant longtemps, mon suivi à long terme a existé, mais sans vraiment couvrir l’essentiel.
Des points restaient flous, d’autres n’étaient jamais évoqués.
J'ai même arrêté les consultations de suivi en 2013, pensant peut-être que cette partie de ma vie était définitivement derrière moi.
Puis en 2022, j'ai décidé de reprendre. Pour poser des jalons, vérifier, anticiper. Pour ne plus être dans le flou.

Cette décision, que je voyais d’abord comme une façon de me rassurer sur mon état de santé, a ouvert bien d’autres portes.
En rassemblant mes dossiers, en posant des questions précises, en exigeant des réponses claires, j'ai découvert que je reprenais possession de mon histoire.
Chaque information retrouvée était comme une pièce manquante qui revenait à sa place.

Ce besoin d'agir m'a amenée plus loin que prévu. À force de chercher des réponses, j'ai découvert d'autres questions.
Et peu à peu, une réflexion plus large s'est dessinée. Sur le sens, sur l'après, sur ce que signifie vraiment "guérir".

De l'information à la transformation

Peu à peu, j’ai trouvé des espaces où poser ma voix :
au sein de l’association Les Aguerris, dans mon podcast À Pleines Dents, à travers des témoignages, des engagements auprès
du comité 95 de la Ligue contre le Cancer, et des prises de parole dans des colloques, aux côtés de celles et ceux qui, comme moi, avancent avec un passé singulier.

Chaque engagement semblait naturel, évident même. Pas calculé, pas stratégique, juste... nécessaire.
Comme si une partie de moi savait exactement où elle allait, même quand ma conscience peinait encore à suivre.

Et sans que ce soit prévu, à force de faire, j'ai commencé à penser autrement. À voir mon histoire avec plus de recul.
À relier les événements, les silences, les ressentis.
À comprendre que ma guérison ne s'était pas arrêtée aux derniers traitements, mais qu'elle continuait, sous d'autres formes,
par d'autres chemins.

Fermer des boucles, une à une

Il y a peu, j'ai rencontré mon tout premier oncologue. Celui qui m'a suivie quand je n'avais que quelques mois.
Je ne savais pas que ce moment refermerait une boucle aussi forte, aussi fondatrice.

Entendre parler de cette petite fille que j'étais, mais que je n'ai jamais vraiment connue.
Comprendre les enjeux médicaux de l'époque, les choix qui ont été faits, les espoirs et les craintes de mes parents.
Revenir à l'origine, entendre ce qui s'est joué dans ces premiers instants de vie, ça m'a permis de faire la paix avec une partie de mon histoire que je connaissais sans l'avoir vraiment habitée.

Face à cet homme qui avait tenu ma vie entre ses mains quand elle ne tenait qu'à un fil, je n'étais plus l'enfant malade dont il gardait le souvenir.
J'étais la femme debout, capable de se réapproprier son histoire.

Cette rencontre a eu l'effet d'une réconciliation. Avec mon passé, avec cette part de moi que la maladie avait façonnée,
avec cette identité de "survivante" que j'avais portée si longtemps comme un fardeau autant qu'une fierté.
Mais pas une réconciliation passive, plutôt une réappropriation active de ce qui m'appartient.

Ce n'est pas que tout est simple

Non, ce n'est pas que tout va bien ou que tout est clair désormais.
La vie reste complexe, les questions nouvelles apparaissent, les doutes persistent parfois.
Mais je sens que quelque chose de fondamental se repositionne à l'intérieur. Que certaines colères trouvent leur place sans disparaître.
Que certaines identités évoluent, non pas par oubli mais par élargissement, pour faire place à une version plus complète de qui je suis.

Cette transformation n'est pas spectaculaire. Elle ne ressemble pas aux grands bouleversements qu'on voit dans les films.
C'est plutôt un processus de réappropriation, progressif et parfois laborieux, vers une version de moi plus consciente de ce qu'elle porte
et plus décidée à en faire quelque chose.

Ce n'est pas un reniement de ce que j'ai vécu, c'est une évolution consciente.
Comme si toutes ces années de questions et de recherches avaient enfin trouvé leur utilité, non pas dans des réponses définitives, mais dans ma capacité à tenir les questions autrement.

Et toi ?

Peut-être que toi aussi, tu sens que quelque chose se transforme dans ta vie. Que certaines réponses viennent, même sans que tu aies eu besoin de formuler clairement les questions.
Que ton "après", quel qu'il soit, prend racine dans des détails qui semblaient anodins :
une rencontre inattendue, un mot posé au bon moment, un espace que tu te donnes enfin.

Fermer une boucle, ce n'est pas tourner la page trop vite par impatience ou par fuite. C'est prendre le temps de dire merci à ce qui a été. C'est reconnaître le chemin parcouru.
Et c'est décider, en conscience, qu'on est prête pour la suite.

Parfois, les réponses arrivent quand on ne les attend plus.
Parfois, elles étaient là depuis longtemps, et on apprend juste à les voir.
Dans tous les cas, il y a quelque chose de profondément apaisant à sentir que certains chapitres peuvent enfin se clore, libérant de l'espace pour ce qui veut naître.

Laura, ta complice de style, de sens et d'après

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